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« Les discours stigmatisants sur les jeunes en disent moins sur la jeunesse que sur les peurs et fantasmes de la société »

« Les jeunes d’aujourd’hui aiment le luxe, ils sont mal élevés, méprisent l’autorité, n’ont aucun respect pour leurs aînés et bavardent au lieu de travailler. » (Socrate, philosophe, 470-399 avant J.-C.). Les discours emprunts de préjugés sur les jeunes s’inscrivent dans une longue tradition politique. La jeunesse aurait un rapport au travail, à l’autorité, à la culture ou encore à la violence foncièrement différent de ses aînés… Qu’importent les enquêtes régulières qui atténuent, voire invalident, ces « constats ». Comment expliquer la persistance des préjugés sur les jeunes ? Ont-il toujours existé ? Premier épisode de notre série d’entretiens, avec l’historienne Ludivine Bantigny.
C’est une catégorie difficile à essentialiser car il n’y a pas d’homogénéité sociale et culturelle en son sein. Le concept de jeunesse n’a d’ailleurs pas toujours existé et sa définition a fortement fluctué au cours du temps. Le critère de la biologie peut sembler en apparence le plus simple à utiliser : la jeunesse commencerait à la puberté et s’achèverait quand le corps a terminé de grandir. Sauf qu’avec l’évolution des conditions d’alimentation et d’hygiène, on sait que chez les femmes les premières règles apparaissaient vers 16 ans en moyenne au XVIIIe siècle, contre un peu plus de 12 ans aujourd’hui…
Outre les rituels sociaux tels que la communion, le service militaire ou le mariage, qui ont longtemps servi de bornes à la jeunesse, le rapport à l’école et au travail sont fréquemment utilisés. Mais ils ont aussi évolué dans le temps. Lorsque la scolarité obligatoire se terminait avec le certificat d’études, on pouvait déjà entrer dans la vie adulte à 13 ou 14 ans. Aujourd’hui avec l’allongement de la durée des études et les difficultés d’entrée sur le marché du travail, on considère souvent que la jeunesse commence vers 12-13 ans et se termine vers 25 ans…
C’est à partir des années 1960 qu’on a commencé à parler en France d’adolescence et de « culture jeune ». Cela s’explique en partie par l’allongement de la scolarisation, grâce à laquelle les jeunes se sont retrouvés entre eux plus longtemps. Ils ont alors développé une sociabilité particulière, adopté une musique de jeunes, des modes vestimentaires de jeunes, etc.
Cette évolution est aussi en grande partie due à la révolution technologique qu’a constituée la miniaturisation de la radio ; elle a permis aux jeunes de s’émanciper du grand poste qui trônait dans le salon familial et les obligeait à avoir les mêmes références musicales que leurs parents. Un écosystème d’émissions, de magazines, de concert « pour les jeunes » s’est mis en place…
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